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mercredi, 29 mars 2006

Pour Madison: "Seuls les sens peuvent guérir l'âme, tout comme l'âme seule peut guérir les sens." Oscar Wilde

A 32 ans, mon unique graal etait la fertilite...Comme pour toutes mes quetes precedentes, j'etais convaincue qu'avec de la volonte, du courage et assez d'energie, rien n'est impossible...Ca c'est de la faute de Jonathan ;-)

Le premier deuil est celui de la magie de la conception naturelle.

Pourquoi faut-il que pour nous (et 30% des couples cela dit en passant) ce soit si difficile alors que ca n'est qu'un plaisir pour tant d'autres...On s'aime et on est pas foutu de faire la magie la plus elementaire dans ce monde...A quoi ca sert de s'aimer alors...Personne n'a envie de concevoir dans ces conditions mais on se dit qu'on oubliera tout quand l'enfant sera la...

L'obsession de la fecondation a chaque rapport, les espoirs mensuels decus dans le sang et les crampes, les traitements qui desincarnent, l'incomprehension de l'entourage qui veut absolument vous culpabiliser "c'est psy, au fond vous savez bien que vous etes pas faits l'un pour l'autre, c'est pour ca que ca marche pas" (ils ne disent pas ca mais ils le pensent si fort que ca s'entend), les reflexions super con des copains genre "ben vous avez qu'a prendre des vacances, ca vous detendra et ca viendra tout seul", et jamais personne pour vous dire comment on fait pour gerer le deuil si ca devait ne pas aboutir...comment on fait pour s'emmerveiller encore du rire d'un enfant...

Le Prince des Fleurs a toujours ete un amant exceptionnel mais je vivais au rythme de mes taux d'hormones, injections, prises de sang, echographies "internes " (c'est plus precis), operations plus ou moins lourdes, ...entre les rendez-vous et les voyages professionnels...J'avais decide de ne pas ralentir une carriere en plein essort pour ne pas devenir encore plus obsedee, pour ne pas vivre que pour ca, pour ne pas pleurer a la vue de chaque bebe, ou d'un geste tendre qui ne peut etre echange qu'entre un enfant et sa mere...

J'en suis ressortie avec en plus du deuil, un corps BOUSILLE, use, allergique a mes propres hormones, 25 kg de plus, le systeme completement epuise, une arthrite qui a petit a petit TOUT grignote. Mon corps n'etait que douleur (sur les 130 points de douleur explores lors d'un test moins de 10 ne me faisaient par reagir). Avoir mal a des endroits dont on ne soupconne meme pas l'existence..et la medecine une fois de plus impuissante...

Un vrai miracle que notre couple aie pu resister... Le Prince des Fleurs a bien eu quelques ecarts mais avec le recul, comment lui en vouloir...Comme tu le dis si bien, tout notre sexe avait un enjeux, l'espoir de faire un bebe...le plaisir n'etait qu'une maigre consolation, presque couplable...
Mon dernier traitement s'est solde par une overdose d'hormones qui a fini d'epuiser mes forces. Je le sentais (eh! oui on finit par pouvoir predire son taux d'hormones toute seule), je l'ai dit au medecin que cette derniere injection etait de trop, il n'a pas ecoute, a insiste, et a pris peur en voyant les resultats de la derniere prise de sang. Nous avons tout arrete du jour au lendemain.

Le deuxieme deuil est celui de ne jamais porter la vie en soi, de ne pas donner naissance...le plus dur...je ne crois pas qu'il puisse jamais se terminer completement.

Le troisieme deuil fut d'accepter que mes parents ne comprendront jamais rien a ce que je suis devenue, qu'ils sont restes "coinces" depuis mes 11 ans.
Nous nous sommes maries 2 semaines plus tard juste avec nos temoins a la ravissante Mairie du XIV, sans meme le dire a mes parents pour ne pas avoir a confronter une autre couche de desaprobation et de rejet.

Le quatrieme deuil fut celui d'accepter mon impuissance a aider Maman qui souffre d'une psychose somatique. En fait, d'accepter que je lui suis carrement nocive et que la seule solution est un tres grand eloignement.
Nous avons decide de partir pour les US, nous y etions des Septembre.

C'etait il y a presque exactement 6 ans, je ne crois pas que j'aurais survecu a un cycle de plus...

Ensuite, il a fallut subir le cinquieme deuil...celui de l'Adoption...puis le sixieme deuil, accepter que nos enfants souffrent de troubles de l'attachement et que l'amour ne pourra peut etre pas suffir (Naissance et La Lecture... ) le tout joyeusement accompagne par l'arthrite devenue gallopante.

Apres cela, pour le deuil, on est rode...on passe les etapes en accelere...surtout la negation ;-)

Heureusement, il y a un deuil que je ne suis pas prete a faire...le deuil du PLAISIR!

Depuis a peine 6 mois, je vis un debut de remission de la douleur physique intollerable et une veritable renaissance sexuelle. Je le dois principalement a 2 bracelets de cuivre aimante, aux "visites" du Dieu Indifferent, a la collaboration du Prince des Fleurs, un peu depasse par les evenements, et probablement aussi a la protection de l'Esprit de la Rivanna qui coule aux pieds de notre maison.

En prime, pour que cette nouvelle quete soit encore plus excitante et plus belle, dans la nuit du 14 au 15 Mars, la femme fontaine est magiquement "passee" dans la dimension Extraordinaire de l'Amour en compagnie persistante du Maitre de son Ame ;-)

Alors, peut-etre faut-il beaucoup souffrir pour avoir beaucoup de plaisir ;-)

"Les larmes du passé fécondent l'avenir." Alfred de Musset

A ne manquer sous aucun pretexte: L'exposition d'Eaux-Fortes de Rembrandt au Petit Palais d'Octobre 2006 a Janvier 2007 ou l'art du clair-obscur en noir et blanc, a tomber raide.

22:00 Publié dans Amour, Blog | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Journaux personnels

Commentaires

La médecine n'est pas impuissante puisqu'elle peut comme rien faire d'un corps et d'un esprit de la bouillie "pour son bien". J'ai vu faire, je sais comment ça peut être efficace jusqu'à la dernière extrémité.

Si fréquents sont les médecins prompts à suggérer de nouveaux tests, nouveaux examens, nouvelles manipulations. Si rares sont ceux qui vous disent quand il faut arrêter. Si rares sont ceux qui ont le courage de dire "je ne le ferai pas". Et qui vous expliquent qu'il faut faire ce deuil ou y passer.

C'est une bien longue liste que vous avez là. Je comprends qu'une adoption puisse être une épreuve, mais un deuil ?

Je vous souhaite bonne reconstruction.

Écrit par : Impromptu | mercredi, 29 mars 2006

Merci Inpromptu,
C'est vrai que le deuil de l'Adoption merite un eclaircissement...
Ca n'est pas l'adoption en soi qui est un deuil mais il faut faire le deuil de beaucoup de choses autour...
Comment accepter que des etrangers puissent scruter un couple et le juger?...Comment accepter qu'il faille definir des criteres de choix et choisir?...L'idee meme de choisir un enfant me fait frisonner d'horreur...Comment trouver les compromis de valeurs necessaires avec son partenaire? Toutes ces decisions, ces choix, on a pas a les faire quand on donne la vie. On est pas prepare a ca, on a pas de points de reperes, personne ne peut nous aider, on se retrouve seul, plus exactement a deux, face a face, a chercher l'equilibre tant bien que mal. Mais comme on pourrait s'accommoder de la brutalite des traitements pour la fertilite s'ils aboutissent a un bebe, on zappe tout ca quand les enfants arrivent :-)

Écrit par : Aude | mercredi, 29 mars 2006

je comprends mieux ...

tu es belle dans ta façon de te raconter... et même si tu n'as pas pu donner naissance tu as su te donner naissance et ça c'est rare et unique...

Merci pour la citation Aude

Je t'embrasse bien fort

Écrit par : Madison | vendredi, 31 mars 2006

Merci Madison,

Nous grimpons les marches de l'escalier chacune a notre rythme :-)

A bientot, chez toi ou chez moi!

Écrit par : Aude | vendredi, 31 mars 2006

bonjour, bonsoir Aude,
je lis et relis cette note très troublante et qui me touche beaucoup ... et que ça me laisse sans mot
et, comme écrit Madison
'tu es belle dans ta façon de te raconter.'

Écrit par : Céphée | samedi, 04 novembre 2006

Merci Céphée, grâce à toi, l'occasion de relire cette note aussi...L'impression qu'elle appartient à une autre vie qui pourtant fait partie de ce parcours...Ces enchainements de blessures et deuils, ils m'ont rendue très téméraire face à la peur, ils l'ont anesthésiée, ils m'ont aussi obligée à accepter de lâcher-prise. Et quand la peur et l'illusion du contrôle m'ont désertées, alors ce fut la 8ème Marche, puis la 9ème, et ça continue...C'est un privilège...

Écrit par : Aude | samedi, 04 novembre 2006

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