lundi, 04 mars 2013
Poétique à cœur (en miroir de Musique aux cores) chez Cribas
Je déroule souvent l’ordinaire à la traîne, dans les allées, entre les gondoles des magasins, nulle part cette queue de casseroles n’intime un sens, pas plus qu'une larme qui glisserait jusque dans mon cou dans un mauvais mélo. Le cœur ailleurs, reste captif, malgré vous, de ses auspices immuables. Sous les néons étouffants, le phantasme se blafarde, et les fourmis s’affairent alors que je m’efface, mon essence trop fugace pour faire face.
Nombreux sont ceux qui s’en grisent, n’ont pas comme nous, un feu aseptisant dans les veines, ils s’en réduisent à leur pouvoir d’achat quand les flammes viennent lécher nos âmes et les mots nous lient. Seuls les cœurs martelés s’écrivent en lettres de sang. Les autres consomment, se consomment entre eux, et se consument. Leur fumée est notre amie, protagoniste complice de quelque échappée d’encre.
Sans tintement de tiroir caisse, nous emplissons les pages et les laissons trébuchant, ceux qui ne se définissent que par ce sonnant là, leurs parafes sur leurs comptes à vide.
Nous colorons le banal, harmonisons le quotidien, extrayons un sens du néant, traçant nos lettres à même la lumière, comme un filin de vie contre le décrochage, la capitulation aux apparences, le grignotage incessant du superficiel, les rapports de force artificiels.
J’écris avec vous, fondue dans le rythme qui vous anime, que vous saisissez et que je reconnais comme le chant du vivant.
Leur consommation, maladive, d’objets comme de relations, de sensations comme d’émotions, de divertissement comme une diversion, nous légitime, nous insuffle la force des causes perdues.
J’écris un monde dans votre ombre, l’ombre de vos tentations, un brin de naturel sur l’aile d’une libellule.
J’écris pour respirer, humer nos parfums mêlés de yin-yang.
Jour et nuit se rejoignent. A l’aube, les pastels confondent les différences, conjuguent les complémentarités. On ne se reconnait plus dans l’autre, on le connait simplement. Sa démarche familière ouvre la voix, évite les sans-issues, souligne l’invisible, susurre l’indicible. Les ondulations s’allient.
J’aime écrire pour croiser votre âme et d’un seul mot la frôler, à peine. J’aimerais que vous m’écriviez parfois.
Votre douceur gorge mes pages et je n’ai pas assez de cœur pour m’en passer, pas assez de cœur pour la voir se durcir au contact du froid, non, pas assez de cœur.
L’écriture peuple le silence du cœur à nu.
Je déroule les métaphores pour tromper l’ordinaire, la lente érosion des éléments, pour oublier à quel point vous êtes parfois dans le vôtre sans moi, à quel point je suis hors du mien sans vous. J’en égare jusqu'à votre fil, au lieu de me livrer au sommeil.
J’écris pour tenter de faire taire ce silence assourdissant, pour malgré la buée, peupler cette nuit.
Et j’éteins, je voile l'amplitude de la nuit, en baissant son volume, j'éteins.
17:06 Publié dans Amour, Deuils, écho, intégrale volume 6, Miroir | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.