jeudi, 13 avril 2006
"On peut sécher ses larmes, mais son coeur, jamais." Marguerite de Valois
"L'ombre de ton ombre..."
Jacques Brel
La Liseuse (1634)
Elle avait ete la fille d’une femme-enfant adulee par son mari. Elle n’avait pas ete desiree, sa Maman en avait ete malade pendant toute sa grossesse et dans son innocence avait faillit la perdre a deux reprises quand elle etait bebe. Elle avait gache leur vie de jeunes tourtereaux insouciants et la carriere de cantatrice de la femme-enfant. Sa Maman en avait concu une grande indifference pour elle. Son Papa aurait pu l’aimer mais il avait une femme-enfant qu’il adorait plus que tout, alors il n’avait pas de place dans son cœur pour ce petit ange blond. Son premier souvenir, elle doit avoir 2 ans, c’est la frayeur d’un grand escalier de pierre en colimacon qu’il lui fallait gravir marche apres marche seule pour aller se coucher toute seule au fin fond du couloir de la peur d’une grande batisse glaciale. Elles etaient tres hautes ces marches pour une si petite fille, elle etait tres froide la pierre, il etait tres sombre l'escalier avec tous ses recoins noirs fourmillants de monstres imaginaires, d'ogres devoreurs d'enfants. Mais, elle est deja independante, elle n’est pas attachee a sa Maman et elle croit qu’elle n’a besoin de personne. Alors a la naissance de son frere, elle a 2 ans et demi, c’est elle qui devient la Maman. Pour ces 5 ans, elle recoit un gros reveil de metal avec un nounours dont les yeux tournent au rythme du tic-tac, il restera longtemps son meilleur ami avec son chant regulier qui la rassure la nuit. Le matin, elle le fait sonner pour se lever la premiere, faire le biberon de bledine de son frere, le laver, l’habiller. Puis elle prepare un Nescafe pour Papa qu'elle pose sur la table de nuit et le reveille en lui caressant le front tendrement. Il finit par s'extraire du lit juste a temps pour les conduire a l’ecole, laissant Maman endormie sous l’edredon. Et puis tres vite, il ne les emmene meme plus, elle est assez grande pour gerer les 4 carrefours a traverser. Elle se refugie alors dans les livres qu’elle consomme avec avidite, tous les livres. Elle lit tout, tout le temps et beaucoup trop tot. A l’adolescence, sa Maman devient jalouse et haineuse a cause de sa carriere abandonnee, et ne cesse de devaloriser son physique ingrat. Elle n’a en effet pas herite de la beaute fragile de sa Maman, elle a une ossature massive, des traits lourds, une peau trop blanche, trop rouge en ete, et toute en taches, des cheveux trop fins. Elle a beau etre toujours la meilleure a l’ecole, la chouchoute des profs, si elle rapporte un 20, on lui dit pourquoi t’a pas eu 21 ? Et oui, il ne faudrait pas faire de l’ombre au petit frere qui souffre de dislexie le pauvre. Alors, elle enferme un a un tous ses sentiments dans le coffret de son cœur et avale la cle. Elle vit par procuration dans ses livres qu'elle absorbe et delaisse aussitot pour ne ressentir ni plaisir, ni honte, ni douleur, aucune emotion de la vraie vie.
Ce debut de vie superficiel d’où l’amour est absent est a l’origine de son insatiabilite de tout, des possessions materielles au sexe…et surtout, elle s’apercoit que personne ne pourra jamais l’aimer assez…et pourtant elle a ete beaucoup aimee depuis que le Prince des Fleurs a retrouve la cle de son cœur, oui beaucoup, mais pas assez…
"Quand tu es près de moi,
Cette chambre n'a plus de parois,
Mais des arbres oui, des arbres infinis,
Et quand tu es tellement près de moi,
C'est comme si ce plafond-là,
Il n'existait plus, je vois le ciel penché sur nous... qui restons ainsi,
Abandonnés tout comme si,
Il n'y avait plus rien, non plus rien d'autre au monde,
J'entends l'harmonica... mais on dirait un orgue,
Qui chante pour toi et pour moi,
Là-haut dans le ciel infini,
Et pour toi, et pour moi"
Carla Bruni.
16:34 Publié dans Amour, Blog, Deuils | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : Journaux personnels
Commentaires
Que vienne le temps de recracher la clé...
Écrit par : Duncan | jeudi, 13 avril 2006
Merci Duncan, mais mieux vaut qu'elle reste en lieu sur...pour tous ceux que j'aime, y compris ceux qui ne m'aiment plus...ainsi redeviendrai-je peut etre une mere et une epouse acceptable...
Écrit par : Aude | jeudi, 13 avril 2006
se souvenir
soutenir
souffrir
s'ouvrir
mais jamais de sous en estime
Témoigner rend fort
Écrit par : laparhasard | jeudi, 13 avril 2006
Merci laparhasard,
Ca ne justifie pas ce que l'on est, mais pouvoir le dire permet de le garder a l'esprit dans sa lutte quotidienne pour ne pas retomber dans les meme schemas avec ses propres enfants ;-)
Écrit par : Aude | jeudi, 13 avril 2006
Que l'on ai été aimé ou non, c'est à chacun de trouver comment aimer soi-même, s'aimer et se laisser être aimé.
Aimer autrui est encore ce qu'il y a de plus facile.
Écrit par : Jimmy | samedi, 15 avril 2006
Merci Jimmy,
vous avez raison, il est plus facile d'aimer que de se laisser aimer, parce qu'il est plus facile de donner que de recevoir, parce que donner c'est dominer et que recevoir c'est d'accepter d'etre domine...C'est le Prince des Fleurs qui m'a appris a recevoir...un jour il faudra s'atteler a la suite de cette histoire ;-)
Écrit par : Aude | samedi, 15 avril 2006
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